J’ai commencé à m’intéresser à cette question il y a de nombreuses années, lorsque, confrontée à ces patients, adultes ou enfants, j’ai succombé au charme de leur côté fascinant, surprenant parfois… en cherchant à mieux comprendre les questions liées au HPI, j’en ai débusqué les nombreux mythes causant bien trop souvent de graves erreurs de diagnostic et de longues errances thérapeutiques…
Ma démarche:
Ce sujet suscite un réel engouement et comme dans toute vague d’engouement, circulent nombre d’informations parfois erronées sur le sujet. Certains sont même véhiculées par des thérapeutes plus ou moins sérieux qui surfent sur la tendance.
Les dégâts générés par les déviances actuelles sur le sujet sont réels avec comme conséquence de plus en plus de rejet (légitime) lié au sur-diagnostic. Les confusions entre TDAH, trouble anxieux, Asperger et HPI sont fréquentes. Je reçois trop de bilans erronés même de la part psychologues se disant spécialisés HPI, faute de rigueur professionnelle.
Je m’attache à rester dans une démarche scientifique et éthique, loin des mythes ou idées reçues. Par ailleurs, mon expérience et ma formation approfondie en neuropsychologie me permet de savoir mener un diagnostic différentiel de façon rigoureuse afin de ne pas tomber dans les écueils des erreurs diagnostiques.
Les représentations et les mythes:
Les représentations de l’individu HPI varient, passant de l’enfant surdoué à lunettes à l’enfant en souffrance…
Et si ce n’était ni l’un ni l’autre ?
Et s’ils n’étaient ni forcément des génies ni forcément des personnes en souffrance ?
Car oui, bon nombre d’entre eux vont très bien et font de leurs capacités intellectuelles une force leur permettant de mieux s’adapter au monde.
Les mythes sur le sujet naissent de représentations sociales.
Tout cela est alimenté par les réseaux sociaux, une littérature vulgarisée et éloignée des réalités de la recherche scientifique. Ces mythes largement véhiculés finissent alors par passer dans la pensée commune comme des vérités. Car, si tout le monde le dit, comment cela pourrait il être faux?!!
Certains thérapeutes, psychologues et autres, peu enclins à rechercher les vérités scientifiques contribuent à véhiculer de fausses informations et à installer ces dogmes sans en vérifier la validité scientifique.
Une des caractéristiques des HPI, selon ce qu’on peut lire sur internet et dans bon nombre d’ouvrages sur le sujet, est d’être hyper empathique.
L’empathie est un concept fourre tout et très subjectif, souvent utilisé à tort et à travers.
Alain Berthoz (2004) qui a travaillé sur l’empathie la définit comme un phénomène complexe multidimensionnel impliquant des processus perceptifs, cognitifs, motivationnels et mnésiques interagissant entre eux.
L’empathie est en effet souvent confondue avec le fait de ressentir en soi ce que ressent autrui, alors qu’il s’agit là de contagion émotionnelle.
Les processus cognitifs, appelés « théorie de l’esprit », permettent de se représenter les états mentaux d’autrui.
Les processus émotionnels qui permettent de percevoir, reconnaître identifier les émotions d’autrui interviennent également dans la notion d’empathie. Des processus visuo-spatiaux interviennent également.
L’empathie consiste donc à se mettre à la place de l’autre d’un point de vue cognitif et spatial, tout en gardant sa place. Ce n’est pas ressentir en soi ce que l’autre ressent comme l’on entend souvent.
La réalité de la consultation
Dans mes consultations, je rencontre régulièrement des personnes me disant être hyper empathiques car ressentant très fortement les émotions d’autrui. Finalement on s’aperçoit qu’il s’agit plutôt d’une projection que fait la personne sur ce que l’autre peut ressentir. La personne imagine puis ressent ce qu’elle pourrait ressentir si elle était dans cette situation alors que l’autre peut penser et ressentir tout à fait autre chose!
D’autres personnes se disant empathiques en ressentant l’émotion d’autrui peuvent pourtant elles mêmes dire ou faire certaines choses qui vont blesser l’autre, sans comprendre pourquoi.
Dans ma pratique, j’ai également été confrontée à des comportements pour le moins dénués d’empathie provenant pourtant de personnes HPI! Certains ne venant pas au rendez-vous programmé sans prévenir, d’autres ne m’ayant pas réglé les séances qu’ils me devaient…
Enfin, on peut noter que plusieurs grands tueurs en série sont pourtant des personnes présentant un QI très supérieur à la moyenne!
Alors, peut on encore affirmer que HPI = hyper empathique?
Pas forcément. certaines personnes peuvent présenter davantage d’empathie mais on ne peut affirmer que cette caractéristique est une caractéristique propre au HPI…
Ceci est un exemple mais beaucoup d’autres caractéristiques psycho affectives sont dites caractéristiques des profils HPI, ce qui n’a aucun fondement scientifique et repose sur des représentations sociales et subjectives.
Apprenez vous aussi à déjouer les mythes:
Pour mieux comprendre les mythes qui entourent cette questions je vous recommande le Podcast
Contes et légendes de l’intelligence – Méta de Choc (metadechoc.fr)
Le HPE (notion qui n’existe étrangement qu’en France…), est un autre très grand mythe. Celui ci est aujourd’hui tellement véhiculé (encore une fois par les réseaux sociaux et des professionnels peu scrupuleux de fonder leur pratique sur des vérités scientifiques), qu’il a valeur de vérité scientifique et génère de graves conséquences lorsque la personne s’y accroche pour expliquer ses difficultés.
Pour en savoir plus sur le HPE :
La vérité cachée sur le Haut Potentiel Émotionnel (HPE) (youtube.com)
Les difficultés potentielles liées au HPI
A l’école:
Chez l’enfant, le HPI peut être la cause d’un ennui à l’école pouvant se manifester par des difficultés attentionnelles, une inhibition des compétences, un désinvestissement scolaire… L’enfant ne voudra pas faire ses devoirs, se sentira incompris et pourra développer des troubles du comportement.
Un bilan sera alors utile pour mettre en place des adaptations scolaires
au travail:
Chez l’adulte, le HPI pourra être lié à des difficultés parfois sur le plan professionnel (ennui, besoin de stimulation, sentiment d’incompréhension, frustration…). La routine est très difficile à vivre et peut générer un bored out, ennui tel que surviennent anxiété, dépression…
sur le plan relationnel: le sentiment de décalage
De nombreuses personnes HPI (enfants ou adultes) se sentent en décalage parce qu’elles trouvent que les discussions manquent de profondeur et qu’elles ne peuvent pas partager leurs centres d’intérêts. Ceci correspond au besoin de communication, puisqu’il s’agit de partage, mais ici, ce besoin de partage est beaucoup plus restreint et se limiterait avant tout à l’assouvissement des besoins cognitifs de stimulation et d’expérimentation.
Les personnes HPI en attente de ce type de partage vont être très frustrées et ne pourront pas apprécier la relation telle qu’elle est. Par ailleurs, tout le monde ne possède pas les mêmes centres d’intérêts et n’est d’ailleurs pas capable de suivre les pérégrinations intellectuelles de l’interlocuteur HPI.
Au-delà du manque ressenti d’échanges autour de sujets intellectuels, les personnes HPI font souvent part de leur déception parce que les discussions sont superficielles. Celles ci peuvent tourner autour de l’actualité sportive ou de la dernière série à la mode…
Par ailleurs, la qualité du langage employé peut faire obstacle à la communication. En effet, toutes les recherches dans le domaine du Haut Potentiel Intellectuel montrent des compétences verbales beaucoup plus développées que la norme, (Liratni, 2209, Pereira-Fradin M et al., 2010, Kermarrec S., 2017) . Un vocabulaire plus précis et une syntaxe plus élaborée ne ne seront pas toujours compris par l’interlocuteur, qui aura alors un sentiment d’étrangeté. Cela est d’autant plus important chez les enfants car le décalage est alors plus manifeste.
Les personnes à haut potentiel peuvent se sentir en décalage lorsque leur besoin de communication se restreint ou est grandement déterminé par le partage d’éléments intellectuels. La qualité de leur vocabulaire peut aussi paraître étrange pour autrui. La personne HPI se sent alors isolée, frustrée, en souffrance sur le plan relationnel.